Sélection du mois de Mars

Chaque objet raconte une histoire, et ces assiettes, issues d’un service d'art de la table, ne font pas exception.

Au fil des ans, elles ont accumulé quelques éclats sur les bords, et l’une d’elles présentait un éclat plus important déjà recollé. Des marques du temps qui, loin de nuire à leur beauté, témoignent de leur vécu.

Cependant, la pièce la plus intéressante à restaurer était celle marquée par un tressaillage encrassé. La restauration de ce type de pièce ne doit pas être trop invasive, mais plutôt permettre de retrouver une esthétique proche de son état original, tout en respectant les traces du passé.

📖 Mais alors, qu’est-ce que le tressaillage et pourquoi ces taches sont-elles apparues ?

Assiette qui présente un encrassement de tressaillage

Le tressaillage est un réseau de micro-fissures qui

apparaît souvent dans les glaçures des faïences et faïences fines, comme celles de la manufacture de Gien.

Ce phénomène rend la pièce plus fragile. En effet, ces micro-fissures, qui sont en réalité des défauts mineurs de fabrication, exposent la glaçure à une plus grande vulnérabilité face aux chocs. Ainsi, en cas d'impact, des écailles peuvent se détacher le long de ces fissures, fragilisant davantage l'objet, comme c'est le cas pour l'éclat anciennement recollé d'une de ces assiettes.

Ce phénomène apparaît lors de la cuisson, lorsque la glaçure (ou l’émail) a un coefficient de dilatation plus élevé que celui de la terre cuite sur laquelle elle est posée.

(Lors d'un changement de température, l’émail et la terre cuite ne se dilatent pas de la même manière : l’un “bouge” plus que l’autre, ce qui crée des tensions en surface, comme si les deux matériaux ne marchaient pas au même rythme.)

Ce tressaillage confère à chaque pièce un aspect unique et parfois imprévisible. Avec le temps, cependant, les très fines fissures qui se forment (souvent invisibles à l’œil nu au départ) peuvent retenir des salissures et devenir plus apparentes.

🧪 Afin de rendre ce défaut de fabrication plus discret et de restituer l'état d'origine de la pièce, des traitements chimiques peuvent être appliqués pour nettoyer et atténuer le tressaillage. Toutefois, ces traitements sont souvent toxiques et doivent être réalisés avant toute intervention de restauration, car ils peuvent affecter les autres étapes à venir.

Ainsi, le tressaillage, défaut de fabrication, n’est pas totalement restauré. En effet, pour arrêter l'encrassement progressif, il faudrait recouvrir l'ensemble de l'assiette d'un vernis, ce qui compromettrait son authenticité et son apparence d'origine.

Une fois l’assiette blanchie, les autres interventions ont pu être réalisées, en commençant par la dé-restauration de l'éclat anciennement collé.

Cette étape délicate a permis de retirer l'adhésif utilisé lors d'une intervention précédente, afin de préparer la surface pour une restauration plus stable et plus esthétique.

🖌️ Ensuite, les comblements des six éclats ont été effectués avec soin. Pour cette opération, une résine optique a été utilisée, enrichie de pigments et d’une charge spécifique qui permettait de travailler l’opacité de manière prononcée. Cette technique a non seulement permis de garantir une réparation discrète et cohérente avec l’objet original, mais elle a aussi assuré une durabilité optimale pour préserver l'intégrité de l'assiette sur le long terme.

Assiette après traitement de blanchiment et reprise de l'éclat anciennement collé

Assiette après intervention sur les éclats